Vol. 77, Nº 1Nouvelle technologie

« Chaque arme raconte une histoire »

L'arme à feu sous la loupe de la criminalistique

Au contact de l'eau, les projectiles tirés dans la cuve perdent leur énergie cinétique et coulent au fond, où ils sont récupérés à des fins d'analyse. Crédit : Steve Denny, Services créatifs et Publications, GRC

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À chaque décharge, l'arme à feu imprime sur la balle qu'elle projette et sa douille un ensemble déterminé de marques distinctives. À ce jour, on n'a encore jamais trouvé deux armes laissant exactement les mêmes marques.

Chaque arme a pour ainsi dire ses propres empreintes « digitales ». C'est ce qui permet à la police, après comparaison des balles et des douilles recueillies sur les lieux d'un crime avec celles marquées par des armes saisies, de relier ces armes à la perpétration d'autres crimes.

« "Chaque arme raconte une histoire", c'est la devise ici », déclare le dét. Chris O'Brien, du Service de police d'Ottawa (SPO), en détachement auprès de l'Unité provinciale de contrôle des armes à feu (UPCAF) de la Police provinciale de l'Ontario. « On veut connaître l'histoire de l'arme, savoir qui l'a fabriquée, vendue, achetée — ce genre d'information est très révélateur. »

Un autre outil de lutte contre le crime

Pour tester les armes qu'elle saisit, la police se sert d'une cuve balistique. Les projectiles sont tirés dans une cuve remplie d'eau. Dès qu'elle touche le liquide, la balle perd de son énergie cinétique, puis elle coule au fond de la cuve, où elle est recueillie pour analyse.

Les essais balistiques forment une part essentielle de toute enquête qui porte sur une arme. Au dire du détective, lorsqu'une arme à feu est saisie et que quelqu'un est inculpé d'une infraction de violence armée, la loi oblige la police à démontrer que l'arme était en état de marche.

L'insp. Bill Klym, l'officier responsable de l'UPCAF, ajoute que ces essais leur sont très utiles pour parvenir à élucider les crimes sur lesquels ils sont appelés à enquêter.

« Un outil de plus dans notre boîte à outils, estime l'insp. Klym. Employé seul, il n'est pas très performant, mais conjointement avec d'autres moyens d'enquête, il fournit de l'information qui nous ouvre des pistes quant à la provenance de l'arme et à l'auteur du crime. »

Avant de posséder leur propre cuve, le SPO et l'UPCAF devaient faire faire leurs essais par le centre national de criminalistique, situé à Toronto (Ont.). Mais les demandes auxquelles le centre devait répondre étaient si nombreuses qu'il leur fallait parfois attendre jusqu'à quatre mois pour obtenir un rapport qu'ils peuvent maintenant produire sur place en moins d'une journée.

Le dét. O'Brien explique qu'à l'époque où la direction du SPO explorait le marché en vue de l'achat d'une cuve, il y a huit ans ­­— il faisait alors partie de l'unité des gangs et des armes à feu (UGAF) —, elle s'inquiétait du prix de la plupart des modèles. Le SPO avait alors confié à Dymech Engineering Inc., une entreprise locale, le mandat de construire sa propre cuve.

Collaborant étroitement avec quelques membres de l'UGAF, et à partir d'articles disponibles dans le commerce comme des filtres de piscine, Dymech a conçu une cuve qui répondait aux besoins du SPO et qui coûtait beaucoup moins cher que la plupart des cuves sur le marché.

« La demande pour ce genre de produit n'est pas énorme, mais notre entreprise est axée sur la réalisation de petits projets comme celui-là, commente Will Saunders, de Dymech. Le gros du travail a consisté à bien comprendre leurs besoins, et jusqu'ici, on y est toujours parvenus. »

D'autres services de police tentés d'imiter le SPO ont même rendu visite à celui-ci.

Collecte de renseignements criminels

Le dét. O'Brien et quelques examinateurs d'armes à feu qualifiés du SPO se servent souvent de la cuve, située au quartier général du SPO. Celui-ci travaille avec Dymech à la mise au point d'un dispositif de décharge automatique que les examinateurs peuvent utiliser lorsque l'emploi d'une arme leur semble peu sécuritaire.

L'UPCAF a aussi acheté une cuve pour ses installations de North Bay (Ont.), et elle a assigné les fonds nécessaires à l'achat de deux autres cuves, destinées à différents sites en Ontario.

« L'analyse balistique est le meilleur moyen d'aller au fond des choses, avance l'insp. Klym. L'arme qu'on trouve sur les lieux d'un crime ne peut rien nous apprendre si l'on ne mène pas une enquête en parallèle pour la relier aux renseignements déjà à notre disposition. »

Le dét. O'Brien affirme que les tests balistiques ont permis de relier des armes à feu à divers lieux de crime. Et si ce type d'information s'avère peu utile à une enquête donnée, au moins donne-t-elle à la police des précisions sur les organisations criminelles actives sur son territoire de compétence, ce qui contribue à la sécurité de la population.

« Si je peux aider à faire en sorte qu'aucune arme ne tombe entre de mauvaises mains et que ceux qui sont autorisés à en posséder une observent des règles strictes, alors j'estime que je rends un fier service à la population de la ville, de la province et du pays », conclut le dét. O'Brien.

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