2021 Rapport public annuel de la GRC sur l'instruction du ministre intitulée Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères

Introduction

La Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (la Loi) est entrée en vigueur le 13 juillet 2019. La Loi autorise le gouverneur en conseil à donner aux administrateurs généraux des instructions écrites concernant :

  1. la divulgation, à une entité étrangère, de renseignements qui entraîneraient des risques sérieux de mauvais traitements à l'égard d'une personne
  2. la formulation de demandes, à une entité étrangère, de renseignements qui entraîneraient des risques sérieux de mauvais traitements à l'égard d'une personne
  3. l'utilisation de renseignements vraisemblablement obtenus par suite de mauvais traitements infligés à un individu par une entité étrangère

Le 4 septembre 2019, en vertu du paragraphe 3(1) de la Loi, et sur recommandation du ministre de la Sécurité publique du Canada (SP), le gouverneur en conseil a transmis au commissaire de la GRC un décret intitulé Instructions visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (les Instructions). Conformément au paragraphe 7(1) de la Loi, le commissaire doit, avant le 1er mars de chaque année, remettre au ministre de SP un rapport faisant état de la mise en œuvre de ces instructions au cours de l'année civile précédente.

Le présent rapport décrit en détail les activités effectuées par la GRC pour mettre en œuvre les Instructions de 2019 au cours de la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021. Il présente de l'information sur les pratiques de la GRC en matière d'échange de renseignements, sur les modifications apportées à la politique nationale et sur la création d'une formation à l'interne sur les Instructions et le Comité consultatif sur les risques – Information de l'étranger (CCRIE).

Contexte

L'échange de renseignements avec des organismes nationaux et internationaux d'application de la loi et de sécurité est essentiel à la bonne exécution du mandat de la GRC. Les échanges de renseignements peuvent aller de simples demandes visant à confirmer si une personne a un casier judiciaire à des notifications urgentes indiquant qu'un suspect peut constituer une menace pour lui-même ou pour autrui.

La GRC s'engage à veiller à ce que les renseignements qu'elle échange – demandes et divulgations – avec des organismes internationaux d'application de la loi et de sécurité n'aient pas été obtenus au moyen de mauvais traitements ou ne donnent pas lieu à de mauvais traitements. Cet aspect revêt de l'importance pour la GRC pour deux raisons. D'abord, le fait d'éviter d'être complice de mauvais traitements est une valeur canadienne fondamentale. Ensuite, en règle générale, des renseignements obtenus à la suite de mauvais traitements (ou qui sont associés à des d'allégations de mauvais traitements) ne peuvent pas servir d'éléments de preuve devant les tribunaux canadiens. Pour être admissibles dans le cadre de poursuites pénales, les renseignements doivent être traités et obtenus conformément aux lois canadiennes, notamment la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Des renseignements obtenus à la suite de mauvais traitements seraient contraires à ces principes, et les utiliser comme éléments de preuve nuirait non seulement à l'enquête, mais aussi à la réputation de la GRC et du gouvernement du Canada.

Pratiques en matière d'échange de renseignements

Conformément aux Instructions de 2019, tous les groupes des enquêtes et des analyses de la GRC doivent tenir compte des risques de mauvais traitements avant de divulguer ou d'utiliser des renseignements d'entités étrangères ou de présenter une demande à ces dernières pour obtenir des renseignements. S'il existe des risques sérieux de mauvais traitements, l'échange de renseignements doit être acheminé au CCRIE de la GRC.

Le CCRIE observe une approche systématique pour examiner les échanges de renseignements (c.-à-d. la divulgation, l'obtention ou l'utilisation de renseignements) dans les cas où il existe des risques sérieux de mauvais traitements. Conformément à la Loi et aux Instructions, le CCRIE examine le contexte opérationnel de chaque demande, l'application de stratégies d'atténuation des risques ainsi que le degré de crédibilité des garanties et formule des recommandations au commissaire adjoint ou directeur exécutif concerné.

Lorsqu'un cas lui est soumis, le CCRIE se penche sur les questions suivantes :

  • existe-t-il des risques sérieux de mauvais traitements si les renseignements sont communiqués? Les renseignements ont-ils été obtenus à la suite de mauvais traitements?
  • quelles mesures sont proposées pour atténuer les risques? Quelles sont les probabilités que ces mesures portent des fruits (p. ex. garanties diplomatiques)?
  • est-ce que le fait de procéder à l'échange de renseignements (ou pas) posera une menace pour la sécurité nationale ou d'autres intérêts du Canada? Dans l'affirmative, dans quelle mesure cette menace est-elle probable?

Les recommandations du CCRIE sont formulées par l'un des coprésidents, selon les conseils des membres du Comité, et les opinions dissidentes sont consignées dans le compte rendu des décisions. Le compte rendu des décisions est remis au directeur exécutif ou commissaire adjoint concerné aux fins de signature et est versé au dossier d'enquête. Dans les cas où le CCRIE n'est pas en mesure de déterminer si les risques peuvent être atténués ou si l'utilisation de l'information vraisemblablement obtenue au moyen de mauvais traitements est nécessaire pour empêcher des décès ou des blessures graves, le commissaire adjoint ou le directeur exécutif responsable fera parvenir le compte rendu des décisions au sous-commissaire concerné, qui le transmettra au commissaire aux fins de décision.

Lorsqu'un cas est soumis au commissaire en vue d'une décision, le commissaire doit justifier par écrit sa décision et décrire les mesures appropriées qui ont été prises pour atténuer les risques (p. ex. mises en garde, garanties, mesures). Si le commissaire approuve une divulgation, une caractérisation par la GRC du degré d'exactitude et de fiabilité des renseignements est exigée.

Le commissaire doit ensuite informer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ainsi que la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC des décisions qui ont été prises et communiquer toute information qui a été considérée lors du processus décisionnel.

Mise en œuvre des Instructions

Élaboration de politiques nationales

La GRC en est aux dernières étapes dans la publication de sa politique nationale qu'elle a renforcée pour faciliter l'application uniforme des Instructions dans tous ses secteurs d'activité. La nouvelle version de sa politique permettra de clarifier les rôles et les responsabilités ainsi que les éléments déclencheurs et les seuils de déclenchement qui lancent le recours au CCRIE. Une fois terminée, la nouvelle politique nationale et de l'information sur la formation seront publiées dans l'intranet de la GRC. Une campagne de sensibilisation, qui comprendra des communications officielles, sera mise en œuvre.

L'approche adoptée par la GRC relativement aux Instructions devrait évoluer par la collaboration continue avec des intervenants internes, à la suite d'examens réalisés par des organismes de surveillance, de même que par des consultations continues avec d'autres ministères et organismes du gouvernement fédéral qui sont également visés par les Instructions.

Groupe de coordination du CCRIE : orientation stratégique, sensibilisation et formation

Un examen interne réalisé en 2021 concernant la mise en application de la Loi par la GRC et le cadre existant a permis de constater qu'il était nécessaire d'améliorer le soutien administratif qui est fourni au CCRIE. Le Groupe de coordination du CCRIE a été formé et compte des employés à temps plein pour constituer un centre stratégique pour aider la GRC à mettre en application la Loi et ses instructions, y compris en ce qui concerne la conformité. Les fonctions du Groupe de coordination du CCRIE sont les suivantes : fournir orientation et soutien pour la mise en application des lois aux employés d'exécution et au Comité, superviser la tenue des dossiers pour les réunions du CCRIE, détecter des problèmes sur le plan stratégique qui touchent le processus, communiquer les résultats au Groupe d'évaluation de l'application de la loi (GEAL) pour faire part des risques de manière continue et dialoguer avec les partenaires externes fédéraux pour faire connaître et intégrer des pratiques d'excellence.

Au cours de la dernière année, la GRC s'est penchée sur le mandat du CCRIE pour clarifier les rôles et les responsabilités, améliorer les processus et les procédures et fournir des directives relativement aux mesures d'atténuation. De plus, la composition du CCRIE a été élargie pour intégrer davantage de secteurs d'activité qui sont concernés par l'échange de renseignements avec des entités à l'étranger pour améliorer les délibérations et les recommandations et augmenter la sensibilisation à l'échelle de la GRC. Les effets de ces changements seront plus tangibles en 2022.

Il demeure nécessaire de continuer à favoriser la sensibilisation et la formation auprès des employés de la GRC partout au Canada relativement à la Loi et aux obligations de la GRC en la matière. Au cours de la dernière année, plusieurs séances d'information et de formation ont été tenues avec les secteurs de programme opérationnels, en plus de la formation qui est fournie aux analystes et aux agents de liaison qui sont déployés à l'étranger.

La GRC a terminé une formation intitulée Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères, laquelle sera accessible à tous les employés sur la plateforme de formation en ligne AGORA. Cette formation devrait être prête d'ici la fin de l'hiver/du printemps de 2022, et tous les membres du CCRIE seront tenus de la suivre. Une fois qu'elle sera disponible, la formation Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères sera également incluse dans le processus d'intégration à la Police fédérale, en plus de devenir un préalable au Cours de la GRC sur les enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale.

Évaluations de l'application de la loi

Le GEAL se compose de représentants de différents secteurs de programme à la GRC qui ont des experts pour collaborer en vue de l'élaboration de profils d'entités étrangères et de pays où la GRC exerce des activités. Ce groupe a été créé pour faciliter un examen systématique et cohérent concernant les pays étrangers et leurs organismes d'application de la loi, en fonction d'un certain nombre de facteurs de risque, pour évaluer les risques de mauvais traitements et établir le degré de risque associé à l'échange de renseignements avec des entités étrangères. Les profils de risque aident les employés d'exécution à déterminer s'il convient de présenter l'échange de renseignements au CCRIE.

En 2021, au moyen d'un examen interne, la GRC a reconnu que le GEAL avait besoin d'employés à temps plein pour exécuter les activités d'analyse, de coordination et d'administration de manière continue. À cette fin, la responsabilité pour le GEAL a été transférée au programme international de la GRC, où les ressources et les renseignements seraient utilisés plus efficacement pour coordonner les profils d'entités étrangères de la GRC. À plus long terme, la GRC contribuera aux efforts déployés à l'échelle du gouvernement pour élaborer un ensemble d'évaluations de pays unifiées et continuera à participer aux activités du Groupe de coordination d'échange de renseignements (GCER). Dirigé par Sécurité publique, le GCER est responsable d'appuyer les efforts de coopération et les pratiques en matière d'échange de renseignements dans les milieux de la sécurité et du renseignement.

Rapport d'activité : du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021

Pendant la période visée par le rapport, soit 2021, la GRC n'a relevé aucune répercussion importante découlant des Instructions sur les activités opérationnelles. Une répercussion importante est un cas où des risques sérieux n'ont pas pu être atténués et où la GRC n'a pas été en mesure de divulguer des renseignements qui auraient pu éviter des blessures ou des décès, ou encore un cas où une opération nationale a échoué parce que la GRC n'a pas pu échanger ou utiliser des renseignements.

Entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021, 55 cas ont été présentés au CCRIE. La GRC n'a procédé à aucun échange de renseignements ayant entraîné des risques sérieux de mauvais traitements nécessitant la transmission du dossier au commissaire pour respecter les Instructions.

Secteurs d'intérêt pour la GRC en 2022

Dans la foulée du travail qui a été accompli pour améliorer ses procédures internes, la GRC se penchera sur des façons de mieux rendre compte des mesures d'atténuation et de surveiller les résultats des échanges de renseignements. Il est reconnu qu'il est ici question de sources d'information cruciales pour alimenter le travail continu de la GRC pour ce qui est de l'évaluation des risques. Par ailleurs, des efforts sont en cours pour déterminer quelles entités étrangères devraient être prioritaires pour les mises à jour, et ce, dans l'immédiat et à plus long terme.

Pour améliorer l'échange de renseignements entre le CCRIE et le GEAL, la GRC instaurera des réunions trimestrielles entre ces deux organes pour examiner des enjeux stratégiques transsectoriels, corriger des lacunes dans les processus et les procédures et prioriser le travail conjoint.

Conclusion

La GRC continuera à tirer parti des mécanismes en place, notamment le GCER, qui est dirigé par Sécurité publique, dans ses efforts visant à renforcer les politiques et les procédures relatives à la mise en œuvre des Instructions. De plus, la GRC poursuivra ses efforts visant à accroître la sensibilisation et à fournir de la formation à ses employés partout au Canada pour assurer le respect de la Loi.

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