Vol. 79, Nº 3Entretien

Un homme assis à un bureau, devant un ordinateur.

Chasseur de prédateurs en ligne

« L'espoir de sauver d'autres enfants me motive à continuer »

Le cap. Jared Clarke de la GRC est l'un des 11 policiers de Saskatoon, de Prince Albert et de Regina qui forment le GLEEI de la Saskatchewan. Crédit : Photo fournie par le cap. Jared Clarke, GRC

Depuis cinq ans, le cap. Jared Clarke de la GRC est enquêteur pour le Groupe de lutte contre l'exploitation d'enfants dans Internet (GLEEI) de la Saskatchewan. Son expertise a permis de résoudre de nombreuses affaires et de libérer des douzaines d'enfants du joug de leurs agresseurs, ici comme ailleurs. Amelia Thatcher a discuté avec lui de la façon dont il s'adapte aux technologies changeantes pour prendre au piège des prédateurs en ligne.

Quelle est l'ampleur du problème de l'exploitation des enfants au Canada?

C'est un énorme problème. Je traite de 75 à 100 dossiers par année. Un des plus importants, l'enquête Russell Wolfe à Saskatoon (Sask.), dure depuis 2014. Nous avons découvert une vaste série d'agressions et

14 victimes locales. En 2014, c'était l'un des 100 dossiers sur mon bureau, mais il a pris, à lui seul, des centaines ou même des milliers d'heures d'enquête.

Sur quels types d'enquête travaillez-vous?

Les enquêtes peuvent être réactives ou proactives. Les enquêtes réactives sont commandées par des parents, des détachements ou le Centre national de coordination contre l'exploitation des enfants (CNCEE) à Ottawa. Les enquêtes proactives consistent plutôt à chercher sur Internet des cas d'exploitation d'enfants. Dans les enquêtes sur le partage de fichiers poste à poste, nous traitons directement avec des délinquants qui offrent ou distribuent des photos et des vidéos de pornographie juvénile. Nous pouvons connaître l'adresse IP d'où vient le matériel et communiquer avec le fournisseur de service pour connaître le nom et l'adresse du suspect et ensuite obtenir un mandat de perquisition.

Un autre moyen proactif de trouver des suspects est la communication secrète en ligne – ma spécialité. En ligne, je joue le rôle d'un enfant qui se laisse attirer par un délinquant ou celui d'un délinquant qui discute avec d'autres délinquants. Dans les deux cas, c'est du piratage psychologique : on crée un profil, on joue un personnage et on utilise un langage particulier.

Quels défis devez-vous surmonter?

Il y en a beaucoup. L'évolution rapide de la technologie en est un. Il faut connaître les nouvelles applications et les derniers logiciels en plus des systèmes de sécurité et d'exploitation qui permettent de chiffrer les données. De nos jours, beaucoup d'ordinateurs et de cellulaires chiffrent toutes les données qu'ils contiennent lorsqu'ils sont verrouillés ou fermés. Le contenu est un autre défi; il est de plus en plus graphique et extrême. Il faut rester de marbre, mais ce n'est pas toujours facile.

À quelle fréquence la technologie change-t-elle?

Chaque jour, chaque semaine, et elle n'est pas la même dans toutes les régions : une application populaire en Saskatchewan n'est pas nécessairement utilisée ailleurs. À mon arrivée ici, mes compétences en informatique étaient plutôt moyennes. Mais les ordinateurs sont un outil qu'il faut apprendre à utiliser pour bien faire son travail, comme la motocyclette l'est pour les policiers de la circulation.

Que doivent savoir les autres policiers de première ligne sur les dossiers que vous traitez?

Quand les gens me demandent comment reconnaître les méchants dans la rue, je leur réponds que les délinquants ne correspondent à aucun profil type. Nous avons arrêté toutes sortes de personnes : des prédateurs confinés à leur sous-sol, des enseignants, des gens d'affaires et, malheureusement, des policiers. Je dis aux autres policiers d'entrer en contact avec un GLEEI dès que possible pour recevoir des instructions. Ce sont des enquêtes très complexes et certaines étapes doivent être suivies lors de la saisie d'ordinateurs et d'autres appareils. Si la saisie n'est pas faite correctement, nous pouvons perdre des données que nous aurons peu de chances de récupérer.

Qu'est-ce qui vous motive à faire ce travail?

Notre but ultime est de sauver des enfants. Lorsque je découvre un cas d'agression en direct, c'est terrible parce qu'une agression a lieu, mais c'est merveilleux parce que nous pourrons y mettre fin et sortir les enfants de cet enfer. C'est le travail le plus gratifiant de mes douze ans de service policier. Dans plusieurs cas, nous avons pu identifier en direct des victimes au Canada. Il y a un dossier sur mon bureau en ce moment qui pourrait nous permettre de sauver plusieurs enfants à l'étranger. Bref, même si le défi est de taille, l'espoir de pouvoir sauver d'autres enfants me motive à continuer.

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