Vol. 76, Nº 1Reportages externes

Comment reconnaître et aborder une personne en crise

La Police régionale de York, a lancé une formation sur les interventions en situation de crise. Crédit : La Police régionale de York

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Il est 3 h du matin et vous répondez à une demande concernant un homme armé d'un couteau qui se conduit de manière bizarre dans le hall d'un hôtel de la région. Vous êtes le premier arrivé sur les lieux et vous essayez d'évaluer la situation.

En vous approchant du hall, vous voyez le sujet faire les cent pas en parlant à un interlocuteur invisible. Vous vous demandez pourquoi il agit de la sorte. Quelle est son intention? Est-il en crise? Comment l'appréhender? Il s'agit là de questions très importantes qui traversent l'esprit de tout premier intervenant en pareille situation.

Les policiers doivent avoir les connaissances et les compétences voulues pour composer avec les incidents de ce genre.

Ayant constaté en 2010 la nécessité d'offrir une formation accrue aux agents chargés d'intervenir auprès de perturbés affectifs en crise, le bureau de la formation de la Police régionale de York (PRY), en Ontario, a lancé une formation sur les interventions en situation de crise (FISC).

Selon l'Association canadienne pour la santé mentale, tous les Canadiens auront tôt ou tard dans leur entourage une personne souffrant de maladie mentale, que ce soit un parent, un ami ou un collègue, et un sur cinq sera lui-même atteint, sans compter tous ceux qui s'enlisent dans le stress ou le deuil.

Quand une personne est en crise, c'est généralement un policier, un ambulancier ou un pompier qui répond à l'appel.

Crise ou criminalité?

La formation policière traditionnelle apprend aux policiers comment réagir à certains comportements, mais une personne en crise peut souvent agir de la même façon qu'un malfaiteur.

Six conseils pour les interventions en situation de crise

  • Songez à éteindre sirènes et gyrophares, et baissez le volume des transmissions radio. Tous ces facteurs de stimulation sensorielle peuvent accentuer l'agitation du sujet et rendre difficiles la communication et l'établissement d'un rapport.
  • Parlez lentement et calmement, et donnez des consignes simples et directes. Hausser le ton ou parler trop vite risque de faire monter la tension. Quant aux instructions compliquées, elles sèment la confusion et suscitent l'anxiété.
  • Respectez l'espace personnel du sujet. C'est essentiel pour l'amener à se détendre.
  • Laissez-le parler. Cette consigne peut être difficile à appliquer pour les premiers intervenants qui essaient de maîtriser une situation, mais elle peut aider à calmer l'anxiété et la tension, ce qui favorisera une issue positive.
  • Dans la mesure du possible, faites sentir à la personne en crise qu'elle a son mot à dire dans les décisions qui se prennent. Aidez-la à comprendre la raison de votre présence pour qu'elle puisse donner son avis sur la façon de régler le problème.
  • Créez une expérience positive. Votre façon de gérer l'incident aura un effet sur le déroulement des futures interventions auprès du perturbé affectif. Un dénouement heureux facilitera les interactions ultérieures avec lui.

Par exemple, quand une personne s'en prend à des biens, c'est peut-être dans l'intention d'endommager ou de détruire la propriété de quelqu'un, ou peut-être une conséquence directe d'une maladie qui l'empêche de communiquer avec les autres.

De la même façon, un homme armé d'un couteau peut avoir l'intention de blesser quelqu'un ou être sous l'emprise d'un délire paranoïde qui le pousse à vouloir se protéger.

Il est essentiel de savoir faire la différence entre les deux. La formation et la sensibilisation peuvent aider les policiers à reconnaître les signes et les symptômes d'une personne en crise et à les distinguer des comportements d'une personne qui agit délibérément plutôt que sous l'effet d'un bouleversement émotif.

Dans le cas de l'homme décrit plus haut, qui se parlait en faisant les cent pas, c'est peut-être ce qui permettra au policier de déterminer si le sujet souffre de délire paranoïde, un état souvent associé à la schizophrénie.

Comprendre les signes comportementaux associés à la schizophrénie et à d'autres maladies mentales peut avoir une incidence profonde sur l'analyse, la perception et la réaction du policier.

Communication efficace

La FISC favorise une meilleure compréhension des symptômes que peut manifester une personne en crise et permet au policier de planifier son intervention de manière éclairée.

Fondée sur le Memphis Model, un programme de déjudiciarisation préalable à l'arrestation mis au point à l'Université de Memphis, aux États-Unis, la FISC va au-delà de la sensibilisation. On y aborde non seulement les maladies mentales, mais aussi les stratégies de communication et de désescalade à employer auprès de personnes en crise souffrant d'un trouble psychologique.

Pour prévenir un éventuel recours à la force, il faut avant tout calmer la situation, ce qu'une communication efficace avec la personne en crise permet souvent de faire. Il s'agit d'apaiser le stress, l'anxiété, la peur, la tension et la colère.

La communication efficace est facilitée quand le policier réagit aux émotions sous-jacentes plutôt qu'aux comportements qui en sont l'expression.

Des intervenants communautaires ai-dent à donner la formation de 40 heures. Les policiers reçoivent l'information directement de la part de patients et de professionnels en santé mentale.

Les problèmes psychiatriques graves, les troubles du spectre de l'autisme, les médicaments psychotropes et leurs effets secondaires, les étapes d'une crise, les stratégies de désescalade et de communication, la prévention du suicide et le stress post-traumatique y sont tous abordés.

Les participants visitent des hôpitaux et des établissements psychiatriques de leur région pour observer et interagir avec des professionnels et des patients en milieu clinique.

C'est une occasion inouïe d'échanger avec les patients lorsqu'ils vont bien et de participer à des groupes de discussion où ces derniers donnent une précieuse rétroaction sur les interactions qu'ils ont eues avec la police lors de crises antérieures, ainsi que sur les stratégies qui ont marché et celles qui se sont avérées inefficaces.

L'apprentissage des policiers est évalué à la fin de la semaine dans le cadre de simulations contrôlées.

À ce jour, tous les membres assermentés de la PRY ont assisté à une version condensée de la FISC présentée sous forme de séance de quatre heures, et 200 de ses agents de première ligne (soit 13 pour cent) ont suivi le programme intégral de 40 heures. L'objectif est de faire suivre la formation complète à tout le personnel de première ligne.

Application de la formation

Les agents qui ont suivi la formation signalent qu'elle les a aidés à répondre aux demandes d'intervention visant des personnes atteintes de maladie mentale. Voici le témoignage d'un nouvel agent de la PRY qui vient de la terminer :

« La formation a amélioré ma capacité à composer avec les perturbés affectifs.

« Ma première demande d'intervention de ce genre est arrivée à 3 h du matin lors de mon premier quart de nuit.

« Le sujet avait quitté sa maison pour se rendre au centre Markville en autobus afin d'y récupérer son véhicule, ce que sa famille trouvait anormal puisque, selon elle, le véhicule n'était pas là.

« Quand mon moniteur et moi l'avons trouvé à l'arrêt d'autobus, j'ai appliqué ma formation pour le convaincre de rentrer. On a gardé une certaine distance pour éviter qu'il se sente menacé.

« J'ai conversé calmement avec lui de manière à établir un rapport pour qu'on puisse le raccompagner à pied. Sans la formation, j'aurais commis des erreurs qui l'auraient effrayé et qui auraient suscité sa méfiance. »

Voici les commentaires d'un membre de l'équipe des communications de la PRY :

« Aujourd'hui, lors de mon premier quart de nuit après le cours, j'ai pu appliquer certaines des techniques présentées par les conférenciers. Vers 23 h 30, j'ai reçu un appel 911 d'un schizophrène qui se trouvait dans un abribus derrière le centre Hillcrest. Il avait cessé de prendre ses médicaments, il entendait des voix et il voulait que la police lui vienne en aide.

« Pendant les 20 minutes que j'ai passées avec lui au téléphone avant l'arrivée de la première auto-patrouille sur les lieux, l'information que j'avais reçue lors du cours m'a été très utile.

« Premièrement, les connaissances que j'avais acquises sur les épouvantables effets secondaires de certains médicaments m'ont aidé à comprendre ce que la personne ressentait.

« J'avais aussi appris qu'il vaut parfois mieux écouter que parler. J'ai suivi ce conseil pendant une bonne partie de l'appel, soit en résumant les propos du sujet, soit en gardant le silence.

« Le sujet a continué de me parler malgré son anxiété. Je pense avoir établi un bon rapport avec lui pendant l'appel de 20 minutes, et j'attribue cette réussite à la FISC. »

Les demandes d'intervention auprès de perturbés affectifs étant maintenant chose courante pour la police, elle doit emboîter le pas aux nombreux autres organismes qui cherchent à effacer les préjugés associés aux maladies mentales.

La formation favorise la compréhension, améliore la qualité du service offert à la collectivité et aide à dissiper les préjugés dans notre propre milieu. Ce travail commence avec la FISC.

La police régionale de York (PRY) fournit des services à plus de 1,1 million de résidents dans la région de York (Ontario), Canada. Elle compte plus de 1 500 membres assermentés et 500 employés civils.

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