Vol. 79, Nº 2Reportages externes

Trois policiers à bicyclette près de la zone inondée.

La communication durant une catastrophe

Le cas des inondations à Calgary

Durant les inondations de Calgary en 2013, les plateformes de communication interne et externe ont beaucoup contribué à informer le public et les policiers de l'évolution de la situation. Crédit : Service de police de Calgary

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En juin 2013, la ville de Calgary et une grande partie du sud de l'Alberta ont été frappées par une des pires inondations à survenir en plus de 100 ans. Plusieurs localités ont été dévastées par les eaux, forçant l'évacuation de milliers de personnes. Comme dans toute catastrophe, la priorité consistait à préserver la vie et la capacité de communiquer en temps réel s'est révélée salutaire dans ces circonstances.

Alors que les réseaux contribuaient à diffuser des mises à jour aux citoyens affolés par la rapide montée des eaux, de nombreuses rumeurs et fausses informations ont fait leur apparition. Afin d'y remédier, des services municipaux se sont tournés vers les réseaux sociaux pour tenter de répondre aux nombreuses questions de la population et fournir de l'information exacte.

Présent sur les réseaux sociaux depuis 2010, le Service de police de Calgary (SPC) comptait déjà 20 000 abonnés Twitter et 10 000 sur Facebook au début de 2013. À l'origine, l'idée était d'utiliser ce médium pour diffuser des messages de prévention criminelle et engager le dialogue avec les communautés locales présentes en ligne. Pour ce faire, le SPC avait confié à deux policiers le rôle d'agent des communications numériques (ils sont trois en 2017).

À la même époque, le corps policier a mis sur pied un portail de communications internes pour informer ses membres des incidents en cours et leur communiquer d'autres renseignements pertinents, ainsi qu'une plateforme de nouvelles où sont publiés les communiqués. Durant les inondations à Calgary, ces deux supports de communication, interne et externe, ont joué un rôle déterminant dans la diffusion d'information au public et aux policiers.

La première communication faite par le SPC sur les inondations répondait à une demande du Détachement de la GRC de High River. Dans cette ville submergée par les eaux, les voies de communication étaient paralysées et il fallait à tout prix évacuer la population. La GRC a alors pris contact avec l'équipe des communications du SPC et fait appel au public sur les réseaux sociaux afin de trouver des chargeuses frontales, des bateaux à moteur et autre matériel de sauvetage.

Ces premiers messages ont été vus par un demi-million de personnes, témoignant de la puissance de ce nouvel outil. En l'espace d'une semaine, le SPC doublait son audience sur les réseaux. Peu après, l'inondation a forcé le transfert de l'équipe des communications vers le centre des opérations du QG de la police.

Communication bidirectionnelle et rapide

Lorsque les eaux ont atteint Calgary, les demandes de renseignements ont commencé à affluer en ligne. Or, la direction avait instruit les équipes de communications de ne diffuser aucune information sans son approbation. Le temps qu'une question soit acheminée à la direction et que celle-ci fasse connaître sa réponse, l'information était déjà obsolète. On a donc fait pression sur la direction pour qu'elle autorise l'échange d'information dans les deux sens. Ce fut un tournant décisif : on était alors en mesure de rassurer le public en répondant rapidement à ses questions.

Un moment, le compte Twitter du SPC a bloqué. Cela survient lorsqu'un nombre trop élevé de messages sont envoyés d'un compte. Heureusement, il a pu être rétabli dans l'heure avec l'aide de la communauté de Calgary et le soutien de Twitter.

Le SPC a également fait appel à ses employés civils pour répondre aux nombreuses questions en ligne. Les personnes choisies avaient déjà reçu une formation de base sur les réseaux sociaux en prévision de scénarios catastrophes. À chaque instant, il y avait au moins un agent des réseaux sociaux en poste au centre des opérations de police afin de diffuser l'information vitale 24 heures sur 24.

Pour maintenir cette couverture, les agents des communications numériques ont commencé à effectuer des quarts de travail modifiés, qui duraient souvent jusqu'à 19 heures. À leurs côtés se trouvaient les agents de liaison du SPC, qui travaillaient de près avec les médias et ont pris l'initiative de diffuser des mises à jour sur la plateforme de communication interne. En travaillant ainsi de concert, les deux équipes ont pu diffuser, à l'interne comme à l'externe, des messages concis et précis.

C'est grâce aux listes de diffusion par courriel que le personnel des communications a pu recevoir des mises à jour, à chaque heure pleine, des différents services municipaux (police, incendie, eaux et voirie). Parallèlement, le centre des opérations d'urgence utilisait un outil de cartographie des urgences en temps réel auquel le personnel des communications avait également accès. On pouvait y voir les routes fermées ou inondées, les communautés bloquées par les eaux et d'autres données importantes en lien avec la catastrophe et ainsi répondre rapidement et de manière précise aux questions du public.

Les réseaux sociaux sont vite devenus la source d'information pour la population. Durant les deux premiers jours de la crise, le SPC a reçu 7 060 questions sur son compte Twitter et plus de 35 000 à la fin de la semaine. Comme il était impossible de répondre individuellement à chacun, on a utilisé certaines fonctionnalités pour diffuser le plus largement possible certains messages et ainsi répondre à plusieurs personnes à la fois.

Se préparer à la prochaine catastrophe

Les inondations de Calgary ont permis de tirer des leçons en matière de communications internes et internes. Avant la catastrophe, le SPC n'avait pas de système de rappel au travail et a donc peiné à joindre ses policiers pour obtenir des renforts. Depuis, tous ont un téléphone professionnel et sont inscrits sur une liste de rappel en cas de catastrophe.

Dès le début des inondations, on a aussi réalisé que le matériel de TI installé dans le centre des opérations de police n'était pas compatible avec les différents réseaux sociaux et il a fallu rapidement le mettre à jour. Le problème a vite été résolu, mais chaque organisation devrait constamment vérifier et mettre à jour son équipement pour éviter ce type de situation.

Autre leçon apprise : ne pas museler le personnel des communications durant une catastrophe. Il faut absolument être à l'écoute de la communauté et lui répondre, surtout dans les premières heures de la crise. Souvent, elle veut juste être entendue et il suffit de lui dire « nous ne savons pas, mais nous ferons une mise à jour prochainement » pour la rassurer. De cette manière, les citoyens et les médias savent où trouver de l'information exacte, fiable et en temps réel.

Tous les organismes d'intervention d'urgence doivent saisir l'importance de fournir en temps réel des renseignements exacts par le biais des réseaux sociaux. Le personnel doit avoir reçu la formation nécessaire et l'organisation doit être présente sur les réseaux sociaux avant même qu'une catastrophe ne survienne. C'est capital pour que le public sache sur quels canaux officiels il peut compter en situation de crise. Cependant, cela suppose un certain degré de responsabilité, surtout de la part des services de police.

Les organisations doivent réfléchir à plusieurs questions : leurs comptes seront-ils surveillés en permanence (24 h sur 24)? Quelle est leur responsabilité sur le plan légal si un danger survenait et qu'aucune mesure n'était prise? Comment former les préposés aux réseaux sociaux et quelles restrictions imposer?

Elles doivent également décider du nombre de comptes de réseaux sociaux dont elles ont besoin et qu'elles sont en mesure de gérer. La formation est déterminante pour assurer une présence réussie sur les réseaux sociaux. Les membres doivent suivre de près les changements apportés aux plateformes de réseaux sociaux et il faudrait former d'autres employés à leur utilisation pour qu'ils puissent fournir de l'aide en cas de catastrophe.

En janvier 2017, le SPC compte plus de 160 000 abonnés Twitter et 85 000 sur Facebook. C'est un bond considérable par rapport aux chiffres antérieurs aux inondations et il faudra en tenir compte en cas de nouvelle catastrophe. Par mesure de précaution, le SPC a officiellement validé tous ses comptes des réseaux sociaux et mis en œuvre un plan de communications en ligne. On continue de former du personnel additionnel à l'utilisation des réseaux sociaux et de mettre continuellement à jour le matériel.

Le SPC utilise aussi de nouveaux outils offerts par les réseaux sociaux, comme les groupes de surveillance communautaire et de quartier sur Facebook. Souvent créés par des citoyens, ces groupes servent à partager de l'information sur un secteur géographique précis. Actuellement, le personnel des communications numériques du SPC participe activement à une cinquantaine de groupes de ce type. Cela a permis d'accroître la sensibilisation communautaire et le partage d'information. Si une autre catastrophe devait survenir, la population se tournerait massivement vers ces groupes pour suivre l'évolution de la situation.

On le voit, lorsque bien utilisés, les réseaux sociaux sont de précieux auxiliaires de communication. C'est pourquoi les corps policiers devraient y être présents, idéalement bien avant la prochaine catastrophe.

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