Vol. 77, Nº 2Reportages externes

Les filles dans les gangs

Présenter les risques liés aux gangs grâce aux arts médiatiques

Des élèves en médias du projet Girls in Gangs se sont entretenus avec des travailleurs sociaux, des fonctionnaires et des jeunes pour un documentaire qu'ils ont réalisé sur les filles dans les gangs. Crédit : Projet Girls in Gangs

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En septembre 2011, Union Street Media Arts, une entreprise sociale établie à Manchester (Angleterre), s'est lancée dans un projet et une campagne de deux ans sur les filles dans les gangs. La Cedar Mount Academy et le service de police du Grand Manchester ont pris part au projet qui visait à aider 30 élèves à sensibiliser le public aux risques liés aux gangs par le film, le théâtre et les médias sociaux.

La Cedar Mount Academy a d'abord reconnu la nécessité d'examiner la question en consultant ses élèves, filles et garçons, au moyen d'ateliers d'art dramatique et de séances animées par des policiers. La police avait, quant à elle, constaté une hausse des actes de violence et des agressions sexuelles par de jeunes hommes contre des filles; c'est pourquoi elle a accordé plus d'importance à la prévention dans les écoles.

Les filles ont surtout exprimé le besoin d'être respectées et d'apprendre à se respec-ter pour éviter de se faire coller l'étiquette de « salope » ou de « pute ».

Conscient de la situation locale, le Home Office a élaboré une stratégie de soutien axée sur les partenariats pour la lutte contre la violence chez les jeunes et les gangs, baptisée Communities Against Guns, Gangs and Knives Fund. Pour garantir des mesures efficaces, il a ciblé trois zones d'intervention, soit Londres, le Grand Manchester et lesWest Midlands (Birmingham), où il a financé des organisations travaillant auprès de jeunes à risque de devenir membres de gangs. Union Street Media Arts a reçu 20 000 £ pour son projet.

Les pièces manquantes

Au début de 2011, nous ne disposions que de peu de travaux de recherche utiles faisant ressortir un manque d'études au R.-U. sur la participation des filles aux gangs. Les chercheurs estimaient qu'il fallait recourir à la sensibilisation pour connaître les expériences des filles à la fois comme membres de gangs et comme paires, amies, sœurs et mères. Ils ont en outre décrit les caractéristiques de la participation des filles aux gangs et comment elles en viennent à y entrer, et ont fait état d'une diversité de l'expérience, d'une « culture de gang » et d'une motivation plus importantes qu'auparavant.

Afin de tirer parti de ces données et d'innover, le projet s'est intéressé au vécu de filles devenues inconsciemment ou à contrecœur associées à des membres de gang. Un documentaire et une pièce de théâtre ont été produits pour tenter de comprendre ce qu'elles vivaient. Les élèves participants ont été si profondément touchés qu'à la clôture du projet, plusieurs d'entre eux n'étaient plus à risque et cherchaient même à faire changer la perception d'autres jeunes à l'égard de la réalité des gangs.

Le projet s'est fondé sur la créativité pour faire participer les jeunes autant que possible. Notre but était de les aider à comprendre les problèmes, et non de les forcer à faire ressortir les stéréotypes véhiculés par les médias. Nous voulions aussi les aider à saisir le rôle de ces derniers dans l'entretien de la culture de gang et de la pression par les pairs.

Le projet visait à amener les jeunes à réfléchir de manière critique à un problème largement accepté comme étant la norme pour lequel on se dit « les choses sont comme elles sont ».

Donner aux jeunes des moyens d'action est l'essence même du projet, car nous savons que cette approche induit un changement durable dans leur vie. Il fallait les mettre sur la bonne voie.

Exploration créative

Au cours de la première année, les élèves en théâtre et en médias ont examiné les importantes difficultés, idées et expériences des filles dans les gangs, l'image qu'elles projettent, les motifs et les risques de leur participation à ces groupes, ainsi que la naissance des gangs et les facteurs d'influence.

Encadrés par les animateurs, les élèves en théâtre ont monté une pièce pour laquelle ils ont choisi les thèmes, les sujets et les personnages, et rédigé le dialogue autour de Jo, une fille qui se joint contre son gré à un gang. Ils ont dégagé les principaux points que le public devait retenir.

Les élèves en médias ont réalisé un documentaire avec l'appui d'une équipe professionnelle. Ils en ont fixé les objectifs, recherché le contenu, élaboré les questions d'entrevue et mené les entretiens, et planifié l'éclairage et la disposition des caméras. Ils ont approfondi la problématique, exploré des rôles et des situations, et présenté les points de vue de professionnels et universitaires qui ont enrichi le débat et parlé d'initiatives.

Le documentaire s'est penché sur les thèmes et les problèmes clés liés à la présence de filles dans les gangs. Y figuraient notamment des interventions directes de travailleurs sociaux, de fonctionnaires et de jeunes, jetant un éclairage nouveau sur le sujet.

La deuxième année consistait à présenter les œuvres à un plus large public. Lors d'autres ateliers, la pièce de théâtre a été perfectionnée en fonction des suggestions des premiers spectateurs. Elle décrivait le sort de l'entourage de Jo ainsi que les relations clés, et traitait des pensées, des motivations, des choix et des émotions des personnages.

Les élèves en médias ont créé un site Web pour les jeunes, les écoles, les universités, les organes publics, les services sociaux et la population, et préparé une campagne dans les médias sociaux pour passer le mot.

Les ressources proposées comprennent des plans de séance et des activités, des articles, des ouvrages, des films et des adresses de sites utiles sur les importantes difficultés, idées et expériences des filles dans les gangs, l'image qu'elles projettent dans certains rôles, les motifs de leur adhésion et les risques connexes.

Le lien de confiance entre les élèves et les animateurs a joué un rôle important dans la réussite du projet. Les élèves ont trouvé un milieu sain et sûr où s'exprimer librement. Leurs perspectives étaient les bonnes puisqu'ils cherchaient à obtenir des commentaires et à discuter d'idées ensemble, et s'efforçaient de perfectionner leurs créations de sorte qu'elles touchent plus le public.

Lors de l'une des représentations de la pièce de théâtre, nous avons sondé le public avant et après le spectacle pour évaluer tout changement d'idées et d'attitudes. Une comparaison des résultats nous a permis de constater :

  • une baisse des stéréotypes sur ce qu'est un gang;
  • une meilleure connaissance des motifs pour lesquels les filles se joignent aux gangs;
  • une meilleure compréhension des rôles différents des filles et des garçons dans un gang;
  • une détermination plus précise des risques liés à l'adhésion à un gang;
  • une compréhension claire par le public des messages que les élèves tentaient de transmettre.

Notre campagne a dépassé nos attentes. Nous avons fait le tour des écoles, des universités et des centres communautaires. Nous avons été invités à donner des conférences, à nous exprimer à la radio et à présenter nos travaux aux chambres du Parlement. Le projet a été approuvé par des organisations nationales de protection de l'enfance, des politiciens et des travailleurs sociaux. Le documentaire a été diffusé quatre fois à la télévision britannique, et il a été visionné plus de 12 500 fois en ligne.

Le site constitue désormais une ressource consultée par des milliers de personnes chaque année, partout dans le monde. Des particuliers, des professionnels et des élèves nous envoient des demandes et des commentaires sur sa pertinence et son utilité. Les gangs sont effectivement un phénomène mondial, et la compréhension des vraies expériences des filles et des femmes est absolument nécessaire.

Du début à la fin, les élèves ont travaillé assidûment au développement du sujet. Ayant bien compris les problèmes à l'étude, ils ont changé considérablement de point de vue. Ils ont assuré le leadership et le contrôle, et ont perçu l'importance de leur nouveau rôle dans la société. On a beaucoup parlé de leur travail dans l'école, ce qui laisse un effet positif sur les autres élèves.

En somme, le projet semble avoir eu une incidence positive sur ces jeunes participants, malgré leur comportement et leur attitude problématiques. Leur confiance en soi et leur connaissance du sujet s'en sont trouvées rehaussées, ce qui leur ouvre la voie vers plus de choix de vie sains.

Pour de plus amples renseignements : www.girlsingangs.org

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