Vol. 80, Nº 3Reportages

Policier prenant la tension artérielle d'une femme.

Pas de drogue au volant

Former les policiers aux nouvelles lois

Les experts en reconnaissance de drogues sont formés pour reconnaître les signes de facultés affaiblies par la drogue, qui a des effets sur la tension artérielle, le pouls et les pupilles. Crédit : Martine Chénier, RCMP

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La GRC modifie la formation policière afin de mieux enrayer la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue au pays.

Ces changements ont été amorcés au printemps dernier, lorsque le premier ministre Justin Trudeau a annoncé son intention de légaliser l'usage récréatif du cannabis. Depuis, la GRC collabore avec les autres corps policiers au pays à la création de cours et à la mise à jour de nombreux autres.

« Enrayer la conduite avec facultés affaiblies est une priorité pour la GRC, car ça demeure la principale cause de décès d'origine criminelle au Canada, explique le cap. Mark Skinner, instructeur de conduite automobile à l'École de la GRC, à Regina. Et je m'attends à une hausse de ce crime insensé et évitable dans les prochaines années. »

La mise à niveau de cette formation survient alors que deux importants projets de loi ont franchi les différentes étapes au Parlement; le premier légalise l'usage du cannabis alors que le second introduit de nouvelles dispositions sur la conduite avec des facultés affaiblies.

La GRC suit attentivement ce dernier en particulier parce qu'il introduit trois nouvelles infractions de conduite avec facultés affaiblies, autorise les policiers qui ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne conduit un véhicule avec des facultés affaiblies par la drogue d'exiger qu'elle fournisse un échantillon de sang aux fins d'analyse, et régit l'utilisation d'un appareil de dépistage de drogue dans la salive.

En conséquence de ces changements, la GRC a créé quatre cours et en a mis à jour un cinquième.

« Nous voulons préparer le mieux possible nos policiers, signale le cap. Dave Botham, expert en la matière à la GRC. Notre objectif est de leur donner la formation, l'expérience et les connaissances nécessaires. »

Mesurer la sobriété

Actuellement, les policiers de la GRC sui-vent deux cours principaux pour apprendre à repérer les conducteurs aux facultés affaiblies par l'alcool ou la drogue : l'un sur les tests normalisés de sobriété administrés sur place (TNSAP) et l'autre visant à former des experts en reconnaissance des drogues (ERD). Il s'agit de normes de formation internationales que la GRC a adoptées.

En poste à Amherst (N.-É.), le gend. Ryan Wilson a suivi les deux cours cette année et les trouve fort utiles pour quiconque effectue des contrôles routiers.

« Nous avons tendance à associer fa-cultés affaiblies et alcool alors qu'une foule de drogues peuvent avoir le même effet, souligne-t-il. Avant de suivre la formation, j'ai probablement laissé filer pas mal de personnes. »

Tout policier peut arrêter un conducteur aux facultés affaiblies sur la base de motifs raisonnables de suspicion, mais la formation sur les TNSAP et d'ERD aide à mieux repérer les signes d'affaiblissement des facultés.

« Ces formations nous permettent d'approfondir nos connaissances, confirme le cap. Skinner, qui donne le cours sur les TNSAP et d'ERD. Plus un policier possède d'outils et de connaissances, plus il peut repérer ce qui est suspect. »

En vertu du Code criminel de 2008, un policier qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un automobiliste conduit sous l'empire de drogues peut demander à ce dernier de se soumettre à une série de tests de coordination physique (les TNSAP).

La formation sur les TNSAP dure quatre jours. Les policiers apprennent à reconnaître les facultés affaiblies, les effets physiologiques de l'alcool et de la drogue, ainsi que les différentes étapes d'une enquête sur la conduite avec des facultés affaiblies.

« Nous décortiquons les signes d'intoxication auxquels le policier n'a peut-être jamais pensé, analyse le cap. Skinner. Comme zigzaguer, prendre un virage trop large ou oublier d'allumer ses phares. »

Les policiers apprennent aussi à admi-nistrer trois grands tests de sobriété : l'épreuve visant à vérifier la capacité du sujet à suivre un objet du regard (appelée le test du nystagmus du regard horizontal), l'épreuve marcher et se retourner et l'épreuve d'équilibre sur un pied.

Si un conducteur échoue aux TNSAP, le policier peut l'arrêter et le conduire au poste de police pour le soumettre à un alcotest ou à une évaluation par un ERD. Si ce dernier juge que le conducteur est sous l'empire de drogues, il peut lui enjoindre de fournir un échantillon d'urine ou de sang.

La formation d'ERD est la plus longue des deux. Pendant 10 jours, le policier apprend à déterminer, selon une méthode en 12 étapes, si les facultés d'une personne sont affaiblies par la drogue et quelle catégorie de drogue elle a probablement consommée. On voit des notions d'anatomie et de physiologie, les effets de différentes drogues et comment se préparer à témoigner en cour.

La formation d'ERD comporte aussi un volet pratique : les policiers doivent effectuer au moins 12 évaluations sous la supervision d'un instructeur qualifié et en réussir au moins 75 %. Ils doivent aussi réussir l'examen final des connaissances avant d'obtenir leur certification.

Des changements sans précédent

Compte tenu de la nouvelle législation, les corps policiers avaient besoin de plus de formation. On a donc étoffé le cours sur les TNSAP, entre autres choses.

Bien qu'une grande partie des mises à jour soient terminées ou bien avancées, Gene-viève Tremblay, directrice d'Apprentissage et Perfectionnement de la GRC, considère que leur élaboration avant même l'adoption de la législation a apporté son lot de défis.

« Nous n'avions jamais connu cela auparavant, dit-elle. Ça revient à courir deux lièvres à la fois. »

Pour mieux cerner les besoins, la GRC a fait équipe avec Sécurité publique Canada, Justice Canada, des experts de la Police provinciale de l'Ontario, de la police de Winnipeg, de la police de Regina et de l'École nationale de police du Québec, ainsi que plusieurs avocats de la Couronne au pays.

Il a fallu remanier le volet sur la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue de la formation sur les TNSAP et créer un cours de recyclage en ligne et en personne pour les policiers déjà certifiés, un cours d'introduction sur la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue et un cours de certification à l'utilisation des appareils de dépistage par la salive.

« Les nouveaux cours viennent combler des lacunes pour que les policiers puissent mieux faire leur travail », poursuit Mme Tremblay.

Les cours ont débuté ce printemps.

Une offre plus diversifiée

Premier changement : la mise à jour du volet sur la conduite avec des facultés affaiblies par la drogue de la formation sur les TNSAP. Les policiers apprendront à mieux reconnaître les signes et comportements des sujets aux facultés affaiblies par la drogue ainsi que les accessoires de consommation de drogue. C'est plus pratique qu'auparavant et le cours de 8 heures doit être suivi en personne.

« On s'intéresse davantage aux signes courants de l'affaiblissement des facultés par le cannabis que par l'alcool, résume le cap. Skinner. À titre d'exemple, le policier pourrait observer que le sujet a les yeux rouges, les pupilles dilatées et qu'il a du mal à se concentrer. »

Mais outre la formation sur les TNSAP et d'ERD, la GRC a créé quatre cours.

Les deux premiers s'adressent à ceux qui sont déjà certifiés aux TNSAP. Il s'agit en fait de deux options – un cours en ligne de deux heures et un cours en personne de quatre heures – destinées à rafraichir les connaissances du policier sur la manière d'administrer les tests.

« Ça s'adresse à ceux qui ne se souviennent plus de tout ce qu'ils ont appris durant leur certification initiale, précise Mme Tremblay. Les corps policiers canadiens pourront choisir entre la version en ligne ou en personne, selon leurs besoins. C'est un gain de flexibilité. »

Elle croit que ce double mode de prestation rendra le cours plus accessible et les policiers pourront consulter la documentation de cours plus tard pour se rafraichir la mémoire.

Le troisième cours est un cours d'introduction en ligne offert à tous les policiers – qu'ils aient déjà été formés à la conduite avec facultés affaiblies ou pas. Il est en voie d'élaboration et durera environ deux heures.

« On y explique ce qu'il faut rechercher, quand appeler des renforts et comment articuler les motifs de suspicion, énumère le cap. Botham. Plus les policiers en sauront, mieux ils seront en mesure d'identifier les conducteurs fautifs. »

Enfin, le quatrième nouveau cours porte sur l'appareil de dépistage de drogue par voie orale, qui sera homologué plus tard cette année. L'élaboration du cours se poursuit.

« Nous voulons outiller un plus grand nombre de policiers à effectuer les TNSAP et les évaluations d'ERD, dire Mme Tremblay. C'est pourquoi nous élargissons l'offre de formation. »

Pour le gend. Wilson, nouvellement certifié aux TNSAP et à titre d'ERD en Nouvelle-Écosse, la formation est précieuse.

« Avec la confiance et les connaissances que j'ai acquises, chaque fois que j'arrête un conducteur, je me demande si je dois m'en tenir à ce que je vois. Plus nous serons nombreux à être formés, plus nous arrêterons de conducteurs aux facultés affaiblies et sauverons de vies. »

Une réforme, mais pas une révolution

Le cap. Botham rappelle qu'en dépit de ces changements, le processus d'arrestation des conducteurs aux facultés affaiblies demeure inchangé.

« C'est toujours le bon vieux travail de police, dit-il. Reconnaître les signes que l'on observe et agir en conséquence. »

Les étapes restent les mêmes : arrêter un véhicule, discerner les signes de consommation et, si l'on a des motifs raisonnables, procéder à l'arrestation et administrer un test d'alcoolémie ou de dépistage des drogues – ou un prélèvement sanguin ou un test de salive en vertu de la nouvelle législation.

Les nouveaux cours ne font que renforcer les connaissances des agents sur la manière de repérer de façon sécuritaire les conducteurs aux facultés affaiblies et de les inculper.

« Si vos facultés sont affaiblies, ne prenez pas le volant. C'est le message que nous voulons faire passer, conclut le cap. Botham. Tout comme l'alcool, le cannabis et d'autres drogues altèrent la capacité de conduire un véhicule à moteur. »

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