Vol. 81, Nº 4Débat de spécialistes

Vue de profil d'une jeune femme attablée avec d'autres jeunes, qui sourit en parlant. En arrière-plan, on aperçoit un panneau coloré avec les mots Sommet de la jeunesse et une bannière rouge avec des plumes d'aigle.

Quelle est la meilleure façon de communiquer avec les jeunes?

Comme les jeunes sont constamment sur les réseaux sociaux, diffuser des annonces et des messages accrocheurs peut les sensibiliser à leur insu, dit Jessica Redmond. Crédit : GRC

Face à un texte harcelant, à une relation abusive ou à une consommation dangereuse, les jeunes doivent pouvoir trouver de l'aide auprès d'un adulte. Encore faut-il leur tendre la main. Nous avons demandé à deux policiers de la GRC et à deux jeunes de nous donner leur point de vue sur ce qui fonctionne – ou pas – lorsqu'il s'agit de protéger les jeunes.

Les spécialistes:

  • Gend. Jean-Philippe Dupont, Section de la jeunesse, Détachement de Burnaby (C.-B.)
  • Jessica Redmond, membre du Comité consultatif national sur la jeunesse, Charlottetown (Î.-P.-É.)
  • Adam Burns, agent des programmes communautaires de la GRC, Bridgetown (N.-É.)
  • Sophia Iligan, membre du Comité consultatif national sur la jeunesse, Edmonton (Alb.)

Gend. Jean-Philippe Dupont

Pour se rapprocher des jeunes de Burnaby (C.-B.), on s'est mis à organiser des soirées cinéma au poste de police communautaire, en offrant beaucoup de gâteries et une grande variété de films.

On est en uniforme pendant ces activités pour que les jeunes s'habituent et soient plus enclins par la suite à se tourner vers un policier si besoin est.

Après une projection où ils se sont régalés de chocolat, les enfants parlent en bien des policiers de la GRC dans leur collectivité. Récemment, alors que j'étais dans un secteur de Burnaby en proie aux gangs et à la criminalité, une mère de deux enfants est venue me remercier. Ce n'est pas toujours facile pour les jeunes de faire confiance aux autres, mais ils sentent qu'on est sincères.

Pour se rapprocher des jeunes, il suffit de leur proposer des choses qui les intéressent.

Avec les plus jeunes, on leur distribue des autocollants de la GRC, on les écoute et on répond à leurs questions. Ils viennent rapidement à nous et nous font confiance.

L'approche est légèrement différente avec les adolescents, voire les adultes; en plus de leur offrir des choses qu'ils aiment, on leur montre qu'on s'intéresse à eux. La nourriture est généralement un bon moyen d'appâter les ados!

On les écoute, on s'intéresse à eux et on parle aussi de nous-mêmes.

On répond honnêtement à leurs questions. La plupart des jeunes savent déjà tout ce qu'on leur dit – ce qui leur manque, c'est une perspective. Ils ont besoin d'un adulte de confiance pour leur donner cette perspective.

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents mentionne dans son préambule que la société doit s'efforcer de prévenir la délinquance juvénile en s'attaquant à ses causes, mais aussi répondre aux besoins des adolescents et leur offrir soutien et conseils.

On ne peut pas toujours passer du temps avec chaque personne, mais le faire de temps à autre aide à établir des relations et à bâtir la réputation d'un policier dans sa collectivité.

Beaucoup de jeunes m'ont abordé parce qu'ils avaient entendu dire que j'étais « différent » et qu'ils pouvaient me faire confiance.

Je crois que c'est parce que j'ai l'habitude de leur dire : « Je sais que tout le monde a une raison de faire ce qu'il fait et je ne vais pas vous juger, mais nous devons combattre les comportements nuisibles. »

Un policier qui donne un avertissement sévère à un adolescent, c'est comme le médecin qui dit à son patient insomniaque qu'il devrait dormir : ça ne règle pas la source du problème.

J'essaie donc de connaître les raisons de leur comportement, puis je leur dis pourquoi je ne suis pas d'accord. Quand je parle vrai avec eux, ils en font autant avec moi.

Jessica Redmond

Il devrait toujours y avoir une grande proximité entre la police et les jeunes.

Depuis ma participation au Comité consultatif national sur la jeunesse de la GRC et au Sommet Jeunesse d'Ottawa, j'ai une meilleure idée de ce que la police peut faire pour renforcer ces liens.

Les policiers ne doivent pas se contenter d'être visibles, mais s'efforcer de se rapprocher des jeunes. Ça prend du temps, mais en s'y prenant bien, la confiance s'installe.

Lorsque vous prenez le temps d'interagir avec eux, les jeunes réalisent qu'ils peuvent vous faire confiance. De petites choses – comme tirer au panier ou leur demander comment se passe leur journée – peuvent faire une énorme différence. Ça change leur perception et au lieu d'être nerveux à la vue des policiers, ils sont plutôt enthousiastes.

Lorsque les policiers sont moins présents dans une collectivité, les jeunes sont plus susceptibles de verser dans des activités dangereuses comme la drogue, l'intimidation, la violence et l'exploitation. La présence de policiers leur donne l'occasion de parler à un adulte en qui ils ont confiance de sujets qui les chicotent, comme la drogue.

L'Île-du-Prince-Édouard est la province où il y a le plus de toxicomanie et d'alcoolisme chez les jeunes. On donne des exposés et de l'information dans le réseau scolaire à ce sujet, mais il faudrait faire davantage.

Lorsqu'on donne des exemples concrets et percutants, ça a plus d'effet.

Il faut frapper les esprits pour aider les jeunes à choisir la bonne voie.

Il ne faut pas hésiter à utiliser les réseaux sociaux. Puisque les jeunes ont les yeux rivés sur leurs comptes Facebook, Instagram, etc., on peut attirer leur attention par des annonces et des messages à la fois accrocheurs et éducatifs, sans même qu'ils s'en rendent compte.

Si l'annonce porte sur un sujet qui l'intéresse, le jeune aura plus tendance à la regarder jusqu'à la fin plutôt que de la sauter ou de continuer à surfer à côté. L'exploitation des enfants est en hausse et le fait de parler des risques sur les réseaux sociaux, là où ils sont le plus actifs, contribue à mieux les protéger.

J'aimerais que les jeunes qui souhaitent faire carrière dans la police puissent observer au quotidien un policier. C'est quelque chose que j'aurais aimé faire plus jeune. Ça permet de développer son sens des responsabilités et de prendre conscience que le simple fait de se tenir loin des activités illégales et des gens peu recommandables donne de meilleures chances dans la vie.

Adam Burns

Les jeunes oscillent constamment entre les bons et les mauvais choix. Il n'est pas facile de rester positif et de prendre les bonnes décisions. Un jeune qui manque d'information et qui n'a personne vers qui se tourner prend souvent de mauvaises décisions.

La GRC est bien placée pour aider les jeunes à faire des choix plus intelligents et éclairés.

C'est très difficile pour les jeunes d'éviter tous les risques. Un rapprochement proactif est la clé pour nouer des liens qui nous permettront de les aider dans ce combat quotidien et pour créer des relations de travail fructueuses.

Il faut aller à leur rencontre et prendre quelques minutes pour interagir positivement avec eux. Il faut par exemple qu'à l'issue des exposés, les policiers éducateurs en matière de sécurité et les agents des programmes communautaires de la GRC s'adressent aux élèves en classe, les abordent à la récréation ou au dîner et participent aux programmes de déjeuners.

Établir ce type de relation dès l'élémentaire facilite ensuite grandement les choses. Chaque fois qu'on visite une école primaire, on essaie de rester à la récréation ou au dîner. Les élèves accourent toujours vers nous pour nous parler – vu notre métier, c'est une bonne chose!

Dans le comté d'Annapolis, deux de nos ressources passent le plus clair de leur temps dans les écoles. Les élèves les appellent par leurs prénoms et elles jouissent d'un bon capital de confiance dans les écoles. Nous avons constaté qu'en entretenant ce lien de confiance – au moyen de présentations, de programmes et de diverses interactions – les jeunes ont plus tendance à nous faire part de leurs difficultés et de leurs problèmes.

Cette interaction positive fait boule de neige dans les familles et auprès des amis.

Lorsqu'on intervient pour régler un problème dans une école, on en profite pour passer le message. On propose des mesures de rechange, on aide l'ado à aller au fond du problème et on l'oriente vers des ressources susceptibles de l'aider.

L'un des programmes mis en place s'appelle Schools Plus; il consiste à se saisir d'un cas et à faire pression pour que le jeune reçoive diverses ressources offertes par le conseil scolaire, en santé mentale et en toxicomanie. C'est un programme qui crée un environnement propice à la réussite des jeunes.

Comme je l'ai dit, la mobilisation est essentielle. Certes, ça prend du temps, mais la confiance gagnée et le lien tissé comptent énormément.

Prendre le temps de s'arrêter pour dire bonjour à un jeune dans la rue, faire un saut à la patinoire ou au gymnase du coin ou régler une situation en en faisant une occasion d'apprentissage, c'est vraiment payant.

Échanger permet de mieux faire passer notre message sur la drogue, la conduite avec facultés affaiblies, la cyberintimidation, etc. Le temps qu'on prend finit par nous en faire gagner.

Sophia Iligan

De nombreux jeunes d'aujourd'hui ont une perception négative de la GRC ou de la police en général, peut-être en raison d'une mauvaise expérience ou première impression.

Je crois que la meilleure façon de communiquer avec les jeunes est de raviver la relation entre eux et la police. Pour nous sentir en sécurité avec les policiers, il faut un climat de confiance.

C'est plus facile d'établir un rapport de confiance avec quelqu'un qu'on considère comme un ami. Je crois que si l'on voyait les policiers comme des amis plutôt que des « adultes de confiance », on serait plus à l'aise de les approcher.

Pour y parvenir, il faudrait que la police parraine des activités pour les jeunes et y participe, comme une rencontre avec la police locale ou un match de basketball mensuel. Ce type d'activité permet d'apprendre à se connaître.

Et pour convaincre les jeunes de faire ce qui est bon et sécuritaire pour eux, il est préférable que le policier prodigue ses conseils sous forme de questions ou d'énoncés étayés par des données.

Prenons l'exemple de la consommation de drogues et d'alcool : diffuser une vidéo de 15 secondes montrant un adolescent poussé par ses pairs à consommer, citer le nombre de jeunes touchés, puis terminer la projection en demandant « Est-ce le genre d'influence que vous voulez exercer? » ou déclarer « Avant d'essayer, pensez aux conséquences », ça pousse à réfléchir à deux fois avant de faire un geste qu'on pourrait regretter.

Reformuler les conseils en questions et en énoncés donne au jeune l'impression d'avoir un choix à faire et le pousse à réfléchir par lui-même aux conséquences de ses gestes au lieu d'entendre une leçon de morale qui le rebute.

Les publicités sur les plateformes de réseaux sociaux comme Instagram, Snapchat et Facebook sont très influentes, surtout lorsque le contenu est court et accrocheur.

Comme beaucoup de jeunes ont une durée d'attention limitée, il est préférable de tout communiquer en 15 secondes, puis d'annexer des documents ou de mettre un lien pour ceux qui voudraient en savoir plus.

On peut aussi présenter des statistiques et des données sur la criminalité juvénile dans les salles de classe et lors des journées d'orientation, et fournir des ressources. Et il est important que la police communique, sur les plateformes de médias sociaux et dans les présentations en direct, ce qu'elle fait pour les jeunes et comment elle s'efforce de les aider.

Enfin, il serait bon d'obtenir de la rétroaction au moyen de sondages sur la meilleure façon pour les policiers d'aller vers les jeunes et d'établir un climat de confiance; ça aiderait vraiment à relancer nos relations – lentement, mais sûrement.

Date de modification :