La chef du groupe

« Troop up! »

C'était le cri de ralliement que lançait maintes fois Cheryl Joyce d'une voix tonitruante pour réunir les 31 cadettes de l'École de la GRC après être devenue membre de la première troupe féminine à s'installer à la Division Dépôt en septembre 1974.

Guide de droite et la plus âgée de la Troupe 17, cette cadette de 29 ans était chargée de surveiller son groupe, notamment de s'assurer que ses collègues marchaient au pas en rang pour se rendre d'un cours à l'autre, de veiller à la discipline et à l'harmonie, et de soumettre des rapports quasi quotidiens au sergent-major, qui suivait de près les progrès du groupe.

« Quand j'allais déposer les feuilles de présence, presque chaque jour je l'entendais ordonner, de son bureau, un "Joyce, venez ici!"», se souvient-elle.

« Malgré nos hauts et nos bas, nous avons accompli un très bon travail », confie-t-elle de sa résidence dans la vallée de l'Okanagan (C.-B.). « Quand j'y repense, certains évènements qui paraissent aujourd'hui assez drôles étaient stressants à mon époque. »

Assermentée le 16 septembre 1974 et forte de cinq ans d'expérience en enseignement, Mme Joyce a orienté sa carrière à la GRC dans le même sens.

De cadette à formatrice en anglais langue seconde à la retraite, en passant par la fonction d'instructrice à la Division Dépôt et par sa dernière affectation à titre de communicatrice des principes de justice réparatrice aux policiers et à la collectivité, Mme Joyce a mené une vie imprégnée par l'enseignement.

« J'adorais faire mon possible pour améliorer la vie des autres », précise-t-elle.

Depuis ses toutes premières affectations à plusieurs détachements dans la région d'Edmonton (Alb.), elle se passionnait pour le travail auprès des collectivités autochtones. « J'ai vraiment commencé à comprendre l'histoire des réserves et comment l'enchaînement des évènements a joué un rôle dans leurs problèmes », explique-t-elle. Les défis étaient nombreux et venaient du manque d'éducation, de débouchés et de compétences parentales. « J'avais très envie d'aider ces gens à améliorer leurs conditions. »

En mai 1974, la GRC a annoncé qu'elle acceptait les candidatures de femmes. À l'époque, Mme Joyce enseignait à Regina (Sask.). Un de ses amis, qui était membre de la GRC, l'a encouragée à tenter sa chance. Elle jugeait que la carrière ne lui convenait pas, mais a tout même pris un formulaire de demande pour passer l'information à ses élèves. À sa grande surprise, elle s'est retrouvée à le remplir elle-même!

« Je cherchais une expérience en dehors de quatre murs », se souvient-elle. « J'avais besoin de travailler dans la communauté. »

Sa carrière de 30 ans a débuté à Stony Plain (Alb.), juste à l'ouest d'Edmonton. En tant que première policière du détachement, elle était attendue avec impatience. « La première chose que la secrétaire m'a dite en m'apercevant, c'était "Vous voilà enfin! Allez-y, tout le monde vous attend" », raconte-t-elle en riant.

Au bout de 13 déménagements et d'autant de postes occupés, Mme Joyce parvient sans hésitation à décrire ce qui fait sa plus grande fierté lorsqu'elle revient sur sa carrière.

Uniforme des premières femmes à la GRC : escarpins et sac à main avec étui à l'intérieur.

Il s'agit de sa dernière affectation au poste de coordonnatrice nationale de la justice réparatrice, qui lui a permis de parcourir le pays et de visiter 23 collectivités rien qu'au Nunavut, afin d'apprendre à ses collègues, aux aînés autochtones ainsi qu'aux bénévoles des méthodes de résolution de conflits de nature non criminelle dans leurs collectivités. Fondée sur la traditionnelle notion autochtone de cercle de guérison, la justice réparatrice est une façon amiable de favoriser la santé et la sécurité des collectivités, axée sur la guérison des victimes et la responsabilisation des contrevenants.

L'influence de son travail auprès des Autochtones, et surtout des Inuits, se fait ressentir par les œuvres d'art ornant les murs de chaque pièce de sa résidence. Revêt une importance bien particulière une gravure à l'encre d'un cairn dans l'Arctique que lui a offerte une dame dans la quatre-vingtaine issue de la première communauté inuite qu'elle a visitée. D'une voix émue, Mme Joyce raconte que la dame était retournée à l'école pour apprendre à « écrire l'histoire » de son peuple.

Nul doute que Mme Joyce a laissé sa trace depuis qu'elle a joint les rangs de la GRC il y a de cela 40 ans.

« Le sentiment que procure le processus de guérison est franchement émouvant », confie-t-elle. « Une dame m'a carrément remerciée d'avoir ravivé sa culture. C'était si gratifiant de savoir que j'apportais du positif dans la vie des gens. »

Lisez les articles intitulés « Gros plan », « Premières féminines » et « Voici la Troupe 17 »

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