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Collage de photos montrant trois femmes commissaires en uniforme.

Trois femmes qui ont progressé du grade de gendarme au poste de commissaire (Entretien)

Le cheminement professionnel de trois dirigeantes policières et ce qu'elles ont appris en cours de route. Crédit : GRC

Diriger un service de police présente des défis, des récompenses et des décisions difficiles. Dans une entrevue avec Travis Poland, de la Gazette, la commissaire de la GRC Brenda Lucki, la sénatrice et ancienne commissaire de la GRC Bev Busson et la sénatrice et ancienne commissaire de l'OPP Gwen Boniface nous parlent de leur cheminement professionnel et ce qu'elles ont appris à titre de dirigeantes policières.

Qu'est-ce qui vous a amenée à devenir policière?

Comm. Brenda Lucki
Pour moi, c'était l'appel du devoir, je voulais changer les choses. J'étais attirée par la GRC, organisation prestigieuse au riche patrimoine. Elle offrait toute une gamme de carrières au sein d'une carrière, et je voulais voir le pays. Mais avant tout, je voulais servir le public et changer les choses.
Sénatrice Bev Busson
J'ai fait partie de la première troupe de femmes de la GRC donc je n'avais pas vraiment de modèles. J'achevais mes études en enseignement en Nouvelle Écosse quand j'ai réalisé que je ne voulais pas passer ma vie à enseigner. Puis un jour la GRC a annoncé que les femmes pouvaient maintenant entrer à la Gendarmerie, et j'ai su tout de suite que c'était ma destinée. Je suis allée le jour même au détachement local de la GRC en Nouvelle-Écosse pour obtenir les formulaires.
Sénatrice Gwen Boniface
À l'âge de 17 ans j'ai travaillé dans un parc provincial où il y avait un détachement de l'OPP. Jusque là j'avais eu peu d'interaction avec l'OPP, mais j'ai fini par connaître les quatre agents qui y travaillaient et avec leur encouragement j'ai décidé de poser ma candidature pour devenir policière.

Parlez-moi de votre première année comme gendarme. Où avez-vous été affectée et comment était le détachement?

Busson

J'ai été affectée en Colombie-Britannique, où je devais travailler dans une petite ville située dans les montagnes. C'était la toute première troupe de femmes de la GRC et le sergent d'état major en poste ne voulait rien savoir. Le chef d'un autre détachement, s'inspirant apparemment des aspirations de ses deux adolescentes, a dit « je vais la prendre! »

Quand je suis arrivée à Salmon Arm, il y avait plein de jeunes membres – nous avons organisé beaucoup de rencontres sociales et avons travaillé très fort ensemble. Le détachement comptait 12 membres et on travaillait souvent seul. Après avoir terminé le quart de l'après-midi, on demeurait souvent en service pendant des heures pour aider avec le quart de minuit, au moins jusqu'à la fermeture des bars. On ne voulait pas laisser le membre qui prenait la relève tout seul. Ce fut une expérience extraordinaire. Encore aujourd'hui, je suis en contact avec ces membres.

Boniface
C'était intéressant parce que j'ai grandi sur une ferme et on m'a envoyée dans le nord de Toronto. Le détachement comptait deux femmes, et une troisième était arrivée juste avant moi. On était tous très jeunes, et les gens avec qui j'ai travaillé au tout début de ma carrière sont les mêmes gens qui étaient présents à ma fête de départ à la retraite. Je pense que ça en dit long sur la camaraderie dans les rangs de la police. J'ai eu la chance d'avoir une expérience positive, ce qui n'a pas été le cas pour toutes les femmes dans l'OPP. À leur arrivée à leur lieu d'affectation, certaines femmes ne pouvaient pas trouver d'endroit où vivre parce que les gens refusaient de leur louer un logement – il a fallu quelques années pour surmonter cette opposition.
Lucki
Ma troupe était composée entièrement de femmes et on avait décidé d'envoyer autant d'entre nous que possible dans des localités francophones. Je ne parlais pas bien le français, malgré six mois de formation linguistique, et on m'envoyait à Granby, au Québec, pour y exécuter des fonctions en civil. Mon français n'était pas fort, mais ils ont été très patients avec moi. Ce fut une bonne expérience, mais j'ai toujours voulu retourner au travail en uniforme.

Pensiez-vous un jour accéder au poste de commissaire?

Lucki
Cette question me fait toujours sourire parce qu'à la Division Dépôt, je disais en blaguant aux 31 autres femmes de ma troupe que je serais un jour la première femme commissaire de la GRC. L'important pour moi n'a jamais été de gravir les échelons. C'était le travail. Lorsque ma sphère d'influence et ma capacité de faire des changements ne suffisaient plus, il a fallu que je trouve un autre moyen d'accomplir ce que je voulais accomplir. Je me souviens quand j'ai décidé de postuler pour le poste de commissaire, j'ai été voir diverses personnes et tout le monde m'a encouragée. Je suis vraiment choyée.
Boniface
J'ai progressé dans les rangs et j'avais été nommée inspecteure responsable de la police des Premières nations, convaincue d'avoir trouvé ma niche. J'ai trouvé mon rythme et j'adorais ce que je faisais. Quand le poste de commissaire a été annoncé, comme la commissaire Lucki, j'ai donné un coup de fil à des mentors pour obtenir leur avis honnête. Leur influence m'a persuadée de poser ma candidature. Mais si on m'avait posé la question à une étape quelconque du processus, j'aurais dit non. Ce n'est pas un rôle auquel j'aspirais comme recrue.
Busson
Je n'avais jamais pensé à devenir commissaire. J'ai tout simplement toujours fait de mon mieux pour bien m'acquitter des tâches qui m'ont été confiées. J'ai commencé à prendre conscience de la possibilité quand j'ai été nommée commandante divisionnaire en Saskatchewan et plus tard en Colombie-Britannique. J'ai réalisé combien il était merveilleux d'avoir l'occasion de faire rayonner les gens. Après environ six ans dans le poste de sous-commissaire à la Région du Pacifique, j'ai reçu un appel d'Ottawa me proposant le rôle de commissaire de façon intérimaire. J'étais surprise et fière, et il était tentant de dire non, mais je me suis dit que c'était une façon pour moi de prêter main-forte durant une période difficile. Ce fut un honneur et un privilège de passer près d'un an dans le poste.

Quels furent les défis ou les décisions les plus difficiles auxquels vous avez fait face en tant que dirigeante de l'organisation?

Boniface
Pour moi, c'était sans doute la gestion d'une enquête publique – j'y consacrais toujours une partie de journée. J'ai connu de nombreux moments difficiles pendant mon mandat de commissaire: le décès de huit agents dans l'exercice de leurs fonctions, les attentats du 11 septembre, la crise du SRAS et le passage à l'an 2000. Mais le plus difficile, sans aucun doute, est de perdre un agent.
Busson
Nous sommes toutes sur la même longueur d'onde sur certaines questions. Pour moi, c'était ma responsabilité à titre de commandante divisionnaire ou de commissaire d'aviser les plus proches parents, après un coup de téléphone au milieu de la nuit. Les notifications ont toujours été l'aspect le plus difficile de mon travail. Lorsqu'on est commandante et qu'un membre de la GRC est tué dans l'exercice de ses fonctions, il existe une énorme responsabilité de s'assurer que la famille reçoit tout le soutien et toute la compassion nécessaires. Tout le monde le ressent.
Lucki

Des défis, il y en a eu, bien sûr. La première chose qui me vient à l'esprit est l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, notamment les témoignages déchirants. Malgré la présentation d'excuses, on ne peut jamais ramener un être cher. Pour moi, en tant que commissaire, c'était le début de mon cheminement vers la réconciliation.

Les défis de 2020 sont bien connus. Les questions qui ont surgi demeurent prioritaires pour l'organisation. L'an dernier, quelqu'un m'a dit que « les situations difficiles sont l'occasion de nous dépasser », et c'est ce que nous essayons de faire. Nous avons tous dû trouver de nouvelles façons de faire, y compris dans nos interactions les uns avec les autres. J'ai bien hâte de pouvoir communiquer face à face de nouveau avec les gens, après la pandémie. En attendant le retour à la normale, je suis ravie de tenir des assemblées générales virtuelles et de rétablir le contact.

Dans mon rôle de commissaire, oui, j'ai fait face à de nombreux défis, mais j'ai aussi eu l'occasion de créer des changements positifs, d'améliorer les choses, de nous améliorer. J'ai lancé l'initiative Vision150, qui met l'accent sur nos gens, notre intendance, nos services de police et notre culture. En tant que commissaire, je veux améliorer les choses à l'avenir.

Quelle est l'une des choses les plus importantes que vous avez apprises dans votre carrière?

Busson
Pour moi, dans ma carrière, surtout lors de ma progression dans les rangs, j'ai appris qu'il ne faut jamais oublier d'où on vient. On n'est pas là pour porter un bel uniforme ou exiger la présence de gens à une réunion. On est là pour renforcer la confiance des membres sur la route et leur donner tout ce dont ils ont besoin pour bien faire leur travail. À mon avis, si on peut maintenir le lien à ce travail-là, on peut exercer un leadership qui rassure les gens qu'on sait pourquoi on est dans le poste.
Boniface
Ce que j'ai appris et ce que je retiens le plus, ce sont les gens. Les gens que vous dirigez et les gens que vous servez. Il ne faut jamais perdre de vue le public desservi, sa perception du travail effectué. J'ai toujours souligné, même quand j'étais commandante régionale, que ce qui compte, c'est que la collectivité comprenne qui nous sommes. Pour moi, en fin de compte, ce qui importe le plus, ce sont les gens, quel que soit l'endroit où ils se trouvent.
Lucki

Je suis tout à fait d'accord, ce sont les gens. Lorsque j'étais commandante de l'École de la GRC, mes derniers mots aux cadets étaient « apportez des améliorations dans chaque communauté où vous passez ».

J'ai aussi appris à m'entourer de gens qui repoussent mes limites – croyez-moi lorsque je vous dis que dans le rôle de commissaire, on a besoin de telles personnes. Il faut être soi même, garder les choses simples et prendre le temps d'établir des liens avec les gens. L'organisation me tient à cœur, et je me soucie sincèrement des 32 000 personnes qui en font partie. Tous les jours, je fais ce que je peux pour que l'organisation soit meilleure qu'elle ne l'était le jour précédent.

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